On sait que Guillaume Apollinaire, de son vrai nom Guillaume de Kostrowitzky, fils illégitime de la Polonaise Angélique de Kostrowitzky et, probablement, de l’officier italien Francesco Flugi d’Aspermont, est né à Rome, le 26 août 1880. En 1901—1902, il accepte une place de précepteur en Rhénanie, dans la famille de la comtesse de Milhau, où il fait aussi la connaissance de la jeune Annie Playden, son premier amour malheureux, en souvenir de laquelle il écrivit sa célèbre Chanson du Mal-Aimé (1909). Il publie à la même époque des contes en prose, des vers et des articles dans plusieurs revues, plus ou moins connues, dont La Revue blanche et Tabarin,puis, plus tard, dans Le Mercure de France, Vers et Prose, La Plume, La Phalange, Les Marges, L’Intransigeant, SIC et Nord-Sud . Il réussit à s’affirmer dans le monde des lettres au point d’en devenir une figure proéminente et de vivre de sa plume, il fonde la revue Le Festin d’Ësope (1903—1904) puis Les Soirées de Paris (1912 —1914) et se lie d’amitié dès 1904 avec la bohème artistique (Picasso, Braque, A. Derain, Vlaminck, Juan Gris, le Douanier Rousseau etc.) et littéraire (André Salmón, Pierre Reverdy, Max Jacob, P. Albert-Birot, M .Raynal, etc.). Il écrit en faveur de ses amis des articles enthousiastes, il devient le champion des peintres cubistes, de Picasso et de Braque en particulier, et leur consacre en 1913 un volume— Les peintres cubistes..
Ses échecs amoureux lui valent le surnom du Mal-Aimé, mais Annie (Playden), Marie (Laurencin), Lou (Louise de Çoligny) et Madeleine (Pagès) ne lui inspirent pas moins ses plus beaux vers. Engagé volontaire dans l’armée française (décembre 1914), il est blessé à la tempe droite, i1 meurt à Paris, le 9 novembre 1918, de la grippe espagnole. La vie et l’œuvre d’Apollinaire se placent sous le signe d’une mission à remplir et sont dominées par la conscienee des difficultés à surmonter pour y satisfaire. « Le metier d’ écrivain n’est ni inutile, ni fou, ni frivole. Je sais que ceux qui se livrent au travail de la poésie font quelque chose d’essentiel, de primordial, de nécessaire avant toute chose [•••]• Je parle de ceux qui, péniblement, amoureusement, génialement, peu à peu peuvent exprimer une chose nouvelle et meurent dans l’amour qui les inspirait»
Il est difficile à encadrer Apollinaire : « Cet écrivain a lancé les cubistes, il s’est momentament rangé à coté des futuristes, les dadaistes l’ont sollicité à une collaboration mutuelle, il a inventé le terme surréaliste. Pourtant, il n’est ni cubiste, ni futuriste, ni dadaiste et ni, bien sur, surréaliste. Sa curiosité, son goût de l’insolite et de l’aventure le font toucher à tout ce qui est nouveau, à tout ce qui porte en soi un germe de nouveauté »
Si ses débuts poétiques se situent dans le sillage du symbolisme, il se voit vite entraîner par la tentation de l’agressivité. Rangé résolument aux cotés des peintres nouveaux, les futurs cubistes, désireux d’opposer un art « constructif » au flou évanescent des impressionnistes et exposant de ce fait des œuvres étranges mais passionnantes, Apollinaire entend dès 1907 étonner, émerveiller, voire, scandaliser.
Ses principales oevures sont : L’Enchanteur pourrissant, 1909; Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée, 1911; Alcools, 1913; Les Peintres cubistes, 1913; Le Poète assassiné, 1916 ; Les Mamelles de Tirésias, 1917; Calligrammes, 1918 ; L’Esprit nouveau et les poètes, posth., 1947 ; Ombre de mou amour, posth., 1947 ; Poèmes secrets à Madeleine, posth., 1949 ; Le Guetteur mélancolique, posth., 1952 ; Tendre comme le souvenir, posth., 1052 ; Poèmes à Lou, posth., 1955 ; Chroniques d’art, posth., 1960.
Étudier la poétique d’Apollinaire semble une démarche difficile, mais captivante et enrichissante à la fois, étant donné qu’elle est formée d’un collage d’images qui, en apparence, n’ont aucune liaison, raison pour laquelle ces images se prêtent à de multiples analyses, souvent contradictoires « La diversité de son œuvre, la disparaîte volontaire de sa poésie ont exposé Apollinaire aux jugements les plus contradictoires »
Lire Apollinaire c’est une provocation, car « La linguistique, l’histoire, la psychologie, la psychanalyse, la sociologie, l’histoire littéraire, toutes les sciences se rassemblent pour écouter l’œuvre du poète. On le lit, on le relit, on n’arrête pas d’interroger Guillaume Apollinaire ».
Le 26 novembre 1917, il présente au Théâtre du Vieux Colombier, à Paris, une conférence sur « L’esprit nouveau ». Le texte n’a jamais été publié et c’est une sorte de manifeste littéraire. L’esprit nouveau c’est, dans sa vision, « explorer la vérité, la chercher aussi bien dans le domaine de l’éthique que dans celui de l’imagination, voilà les principes de l’esprit nouveau. La poétique d’Apollinaire se situe entre la poétique classique et celle moderne. De cette confrontation, ou bien du dialogue entre le traditionnel et le moderne, résulte une œuvre toute nouvelle, une œuvre qui surprend (la surprise étant une des principales catégories de l’esthétique littéraire d’Apollinaire), qui ouvre une multitude de possibilités d’interprétation car « c’est par la surprise, par la place importante qu’il fait à la surprise que l’esprit nouveau se distingue de tous les mouvements artistiques et littéraires qui l’ont précédé ».
Apollinaire réinterprète les thèmes du lyrisme traditionnel (la vie, l’angoisse de la mort, le temps qui passe, la beauté de la nature qui se renouvelle au rythme des saisons, la fragilité de l’amour, la tristesse éprouvée lorsqu’on quitte une personne, un lieu), il superpose des images appartenant à des contextes culturels différents, sous une forme poétique renouvelée. Le poète exploite des images romantiques, symboliques, au profit d’une nouvelle poésie qui préfigure le surréalisme. Il libère sa poésie des contraintes et des canons de la poésie classique: « Pour ce qui concerne la ponctuation je ne l’ai supprimée que parce qu’elle m’a paru inutile et elle l’est en effet ; le rythme et la coupe des vers voilà la véritable ponctuation et il n’en est point besoin d’un autre » . L’artiste crée une nouvelle réalité poétique, différente de la réalité immédiate, il invente une réalité poétique à partir des réalités mythiques personnelles, subjectives, il transmet un message propre, créant un univers subjectif, propre au poète, fruit de l’imagination et de la rêverie de l’auteur. Tout est filtré par l’imaginaire, par les sentiments, et retransmis par des symboles, des mythes réécrits et des archétypes réinterprétés. Cela démontre qu’en étroite liaison avec le concept de « poétique » se trouve le concept d’ « imaginaire », considéré la source même de la poétique.
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